Le voyage a-t-il des vertus thérapeutiques, et si oui, quelles sont-elles et comment en profiter au mieux ?
Nombre de voyageurs préparent leur valise après un événement de vie difficile : une dépression, une rupture, le décès d’un proche, l’annonce d’une maladie, peuvent les déclencheurs du départ. Les causes d’un mal-être moins palpables peuvent aussi entrer en jeu dans le choix du départ : routine, perte de motivation, tristesse, ennuie, perte du sens de sa vie, anxiété … Fuite, élan irrépressible, l’ailleurs fait alors miroiter la possibilité d’un renouveau : car le voyage ne peut que nous bouleverser, nous cherchons dans le voyage à être ému, transformé, et le voyage s’apparente souvent à une quête identitaire.
Le voyage comme thérapie n’est pas une nouvelle découverte, dès le 17ème siècle le voyage est prescrit comme traitement notamment pour la mélancolie. On le retrouve également dans les déplacements recommandés pour soigner les maladies, physiques ou psychiques : voyages vers les cures thermales, voyage à la mer ou la montagne pour profiter de l’eau pur. Le voyage s’inscrit donc dans une longue tradition thérapeutique.
Pour introduire notre dossier thématique spécial « La thérapie du voyage » nous commençons par une histoire, celle de Josef Schovanec.
Pour Josef Schovanec, l’auteur du livre « Eloge du voyage à l’usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez » le voyage n’a pas été une évidence : déjà, parce qu’il n’y était pas destiné. Aujourd’hui grand voyageur invétéré, auteur de plusieurs ouvrages sur le voyage, polyglotte et amoureux des cultures, Josef Schovanec se fait professeur des ouvertures et thérapeutiques du voyage, laissons-nous alors enseigner…
Voyager, c’est en effet apprendre à désirer autrement, apprendre à reconnaitre son désir.
Au contraire des « destinations plaisirs », on ne consomme pas le voyage. Le vrai voyage, c’est un processus, une expérience, qui touche le coeur de l’être.
Le voyage dénude : en voyage, on perd nos apparats, nos étiquettes, et c’est tant mieux. Josef Schovanec, lui, en voyage n’est plus autiste : c’est un touriste, « juste » un touriste. Le voyage permet en effet de renoncer à ses ancrages et assignations identitaires (choisis ou subis) pour en retrouver de nouveaux, tel le serpent qui perd sa peau pour en arborer une nouvelle. Ce renoncement, cette perte qu’implique le voyage (car il s’origine toujours par un départ) est nécessaire à la découverte de l’autre en soi, et à la vérité de son désir.
Le désir est en effet mis à l’épreuve, en voyage. Les personnes qui voyagent seules le savent bien : le choix est partout et il peut devenir omniprésent, inquiétant, oppressant. Il s’agit déjà de choisir la destination, ici oui, mais pourquoi ? Puis s’enchainent tous les choix des plus cruciaux aux plus banals : que vais-je manger (et même qu’est-ce que j’aime manger ?), ou vais-je dormir, qu’est-ce que je désire faire de cette journée ?
Le voyage est de ce fait plus qu’une expérience de déplacement : il est une expérience profonde, subjective, et met en jeu le désir. Ce désir moteur et créateur de pulsion de vie qui s’oppose à la jouissance mortifère que nous impose le capitalisme.
Non, on ne consomme décidément pas un voyage – ou alors, on ne sait pas bien voyager.